dimanche 26 octobre 2014

le storyboard

Dans l'atelier des ados/adultes nous avons débuté un travail à partir d'une nouvelle de Julio Cortazar qui s'intitule "continuité des parcs" et dont vous trouverez le texte intégral ici. Il s'agit d'un récit fantastique mettant en scène trois personnages principaux. L'intérêt de ce texte est qu'il est très bref et peut se raconter en quelques planches. En outre il y a peu de personnages, l'histoire et les décors sont relativement simples et le dénouement très inattendu.

La première chose à faire est de définir comment on va pouvoir raconter cette histoire. Avec ou sans paroles? En effet, le récit de Cortazar ne contient pas de dialogues et on ne sait pas ce que disent précisément les protagonistes de cette histoire. La teneur des conversations est simplement évoquée sans plus de précisions.

Pour ce faire, on crée un storyboard.

Le storyboard c'est quoi? 

Le storyboard (littéralement "planche d'histoire") est une esquisse de la planche de BD finale. Il a pour but de visualiser les planches et leur assemblage dans leur globalité afin de juger si le découpage, les différents cadrages et points de vues, l'agencement des cases dans la page sont corrects. Il peut être annoté, raturé, griffonné. C'est une sorte de bloc note graphique qui permet de résoudre les problèmes de mise en page avant de passer à l'étape suivante, le crayonné. A ce stade de la conception, il ne faut pas avoir peur de modifier ses esquisses plusieurs fois si nécessaire. Il est préférable de faire plusieurs esquisses plutôt que de recommencer une planche déjà finalisée. Il ne s'agit que du brouillon de la planche finale mais c'est pourtant une étape déterminante pour la réussite de la BD. Il ne faut pas la négliger. Voyons comment réaliser cette étape du travail.

On commence par réfléchir au découpage du texte pour créer la mise en page qui en résulte. Il s'agit de faire en quelque sorte le travail d'un metteur en scène de cinéma. On ne doit pas oublier que dans un album la première planche (page de droite) est vue seule et que les planches suivantes sont vues deux par deux. D'autre part, on doit veiller à ce que la dernière case de la page de droite incite à tourner la page. C'est ce qu'on appelle "le cliffhanger" chez les anglophones.

Planche 1
                                                                       

Case 1: L'homme rentre de son voyage d'affaire.
Je prends le parti de ne montrer que le retour en train. De la même manière, le trajet jusqu'à la maison n'est pas représenté car il n'est pas signifiant pour décrire l'intrigue. On appelle ce procédé narratif une ellipse.

Case 2: L'arrivée de l'homme en voiture.
L'image représente une voiture pénétrant dans une riche propriété avec un parc planté de grands arbres.

Case 3: Le propriétaire (vu dans le train case 1) est à son bureau en discussion avec un autre homme.
Il faut faire deviner le lien de subordination existant entre les deux personnages. Le bureau montre cette relation patron/subordonné.

Case 4: Le propriétaire reprends son livre.



L'agencement de la planche:   un découpage horizontal est choisi pour les deux premières cases car il évoque une succession lente d'événements. Les deux dernières cases sont traitées en format carré pour reprendre un rythme plus rapide du récit.

Planche 2


Case 1: L'homme lit son livre dans son fauteuil.
L'image doit montrer le propriétaire lisant son roman confortablement installé dans son fauteuil favori.

Case 2: L'illusion romanesque.
Le décor autour du fauteuil change pour être remplacé par le décor décrit dans le livre que lit le propriétaire .

Case 3: Le propriétaire envahi par l'intrigue.
Le personnage du roman en arrière-plan, représenté plus grand que l'homme, prend le pas sur la vie réelle. Les contours de la case sont supprimés pour renforcer l'impression de rêve éveillé.









La planche ne me semble pas très efficace dans son découpage. Je décide de modifier la mise en page.

Case 1: L'homme lit son livre dans son fauteuil.
L'image de format horizontal montre en plan large le propriétaire lisant son roman confortablement installé dans son son fauteuil favori. de cette manière, l'intention de  Julio Cortazar est mieux rendue selon moi.

Case 2: L'illusion romanesque.
Le fauteuil et la table basse où fume une cigarette est repris à l'identique. Le décor en arrière-plan est remplacé par le décor décrit dans le livre.

Case 3: Le propriétaire envahi par l'intrigue.
L'image est reprise à l'identique, elle sera prolongée vers la droite pour remplir l'espace restant de la page.








Planche 3


Ici, je fais le choix d'un changement radical de mise en page. Je supprime les cases pour les remplacer par une succession d'images qui s’enchaînent  de gauche à droite et du haut vers le bas dans le sens de la lecture. Le lecteur du roman a disparu, remplacé par l'intrigue qu'il est en train de lire. Cette approche est celle qu'a majoritairement employé le dessinateur italien Sergio Toppi dans la plupart de ses œuvres. Pour voir des exemples du travail de ce génial dessinateur c'est par ici.

Image 1: L'amant arrive dans la cabane.


Image 2: La femme encourage son amant.


Image 3: La séparation des amants

A ce stade, la page est structurée mais les images qui la composent ne sont pas suffisamment imbriquées les unes dans les autres (trop de blancs, dimensions relatives des dessins les uns par rapport aux autres)


Planche 4

Le procédé de la planche 3 est repris de la même manière.

Image 1: L'amant regarde la femme s'enfuir en courant.


Image 2: L'amant qui se faufile entre les haies.


Images 3&4 : L'amant qui aperçoit la maison.












Planche 4


Le système du découpage en cases est repris ici pour ralentir la narration est introduire le dénouement final vers le monde réel.

Case 1: L'amant gravit les marches du perron
Image de format horizontal en plan large.


Case 2: La progression de l'amant dans la maison.
Image de format vertical en plan large. L'amant dans un des couloirs.

Case 3: L'escalier
L'amant monte l'escalier qui mène au premier étage.









Planche 5


Case 1: L'amant inspecte l'intérieur des pièces de l'étage.
Image de format carré en plan large.


Case 2: L'amant à l'entrée du salon de lecture.
Image de format vertical en plan moyen.

Case 3: Le dénouement.
L'amant son poignard à la main, la tête du propriétaire dépassant du fauteuil de velours vert où il lit un roman...

Cortazar ne montre pas le crime, car il laisse planer le doute. Est-ce la réalité où bien la puissance de l'illusion romanesque produite par le talent de l'écrivain ?

Il ne faut donc pas montrer le crime car ce serait une erreur d'interprétation de la volonté de l'auteur. Toute bonne histoire à plusieurs niveaux d'interprétation. En occulter certains serait un appauvrissement de l'oeuvre ce qui n'est pas le but recherché.

Comme pour la planche 2, les autres planches présentent de nombreux défauts mais à ce stade de l'esquisse, il peuvent être aisément corrigés. C'est maintenant qu'il faut le faire.

Alors à vos neurones et à vos crayons!

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